Conclusion

Moteurs de l’économie de la connaissance, matrices des modes de vie et de consommation, ancrages majeurs de la démocratie, enjeux écologiques de premier plan, les villes apparaissent, à plusieurs titres, comme une des clefs qui permettront d’inventer le XXI siècle.

Depuis le décollage de l’Europe, au XII siècle, elles ont en fait joué ce rôle de lièvre – selon l’expression de Braudel – à chaque étape importante de notre histoire : ville marchande, ville classique, ville industrielle.

A chaque fois, des élites urbaines ont su, avec ou sans l’appui de l’Etat, imaginer de nouvelles formes qui étaient à la fois techniques, économiques, sociales, politiques, et spatiales.

A chaque fois, cette invention a amené de nouvelles pratiques dans la façon de concevoir et produire le cadre urbain, et de nouveaux équilibres entre les ambitions logistiques, économiques, sociales et écologiques que se fixait la cité.

A chaque fois, ce rééquilibrage n’a pu s’accomplir que dans le cadre d’une stratégie d’ensemble, telle que celle déployée à Paris par Haussmann. Une stratégie touchant à tous les aspects de la vie en société, mais s’intéressant aussi à toutes les échelles, et à tous les acteurs.

Telle est bien la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Après un demi siècle de développement urbain dominé par l’automobile, l’énergie bon marché, le zonage, la privatisation des espaces et l’étalement, nous sommes mis en demeure d’inventer autre chose.

Et cette invention impliquera d’autres méthodes que la planification par zone. Pour les élus locaux, et les professionnels de l’urbanisme, ce changement de paradigme urbain aura des conséquences importantes, que l’exemple de quelques villes, qualifiées ici de pionnières ou de stratèges, permet aujourd’hui de décrire.

Si ces villes ont réussi à changer de trajectoire, parfois de façon spectaculaire, c’est presque toujours par ce qu’elles ont réussi à mettre en résonance trois forces : une vision, une structure technique, une dynamique collective.

La vision a été celle d’un petit groupe d’élus et d’acteurs, partageant les mêmes convictions, et capables de les porter dans la durée, au delà de l’impulsion donnée par chef charismatique.

Pour être déclinée en objectifs réalisables, appliqués simultanément à différents champs et à différentes échelles, cette vision a du être « travaillée » avec l’appui d’une équipe dédiée, pluridisciplinaire, et jouissant d’une relative liberté par rapport à l’administration municipale.

La stratégie ainsi définie a été d’autant plus facile à mettre en oeuvre qu’elle a su rencontrer ou susciter les aspirations de différents cercles d’acteurs, dont, en final, les habitants de la cité.

S’il est une leçon à retenir de cette étude sur les villes stratèges, c’est bien la nécessaire articulation de ces trois forces.

Sans appui technique sérieux, la vision politique a vite de fait de s’égarer dans le « glamour planning » ou les « coups architecturaux» sans lendemain.

Sans vision, c’est à dire sans hiérarchie des finalités, la technique ne peut que reproduire des modèles - tramways, vélos ou quartiers HQE - qui ne suffisent pas à créer un mouvement.

Sans appui de la population, la stratégie risque fort de ne pas dépasser le cadre d’un quartier vitrine, qui permettra peut être d’attirer quelques investisseurs, mais ne changera pas durablement le destin de la cité.